mercredi 31 janvier 2007

SDF

Nicolas sortait du Carrefour, le magasin à la plus grande surface de Lyon, chargé de pain, de viandes froides et de légumes. Deux drôles de type, habillés de vieux vêtements et à l'hygiène négligé, s'approchèrent de lui. Le plus grand s'adressa à lui.

- Excuse-moi, est-ce que tu peux me rendre un service?

Du coup, Nicolas se méfia. Un français crasseux qui avait besoin d'un service ne l'inspirait pas confiance.

- Peut-être...
- C'est parce que ça fait quelque jours que j'ai pas mangé, et...
- Non merci.
- Non mais attends, je n'ai même pas terminé ma phrase.

Alors Nicolas décela un petit "zip". Il se retourna pour constater que l'acolyte de son interlocuteur ouvrait tranquillement la fermeture de son sac à dos. Nicolas ferma son sac et s'en alla sans rien ajouter.

Et alors il sût ce que demander un service signifiait dans les rues, en France.

mardi 30 janvier 2007

Pause publicitaire

Nicolas a un fan-club. Il est fortement conseillé à tous les lecteurs de ce carnet qui souhaitent supporter Nicolas dans son voyage de s'y inscrire. C'est par .

(En passant, si c'est écrit femme-club, c'est parce que la présidente a un problème d'ouïe. Hommes et femmes peuvent s'inscrire.)

lundi 29 janvier 2007

Groupe un

Nicolas est entré dans la classe où allait se donner son premier cours en France. Il ne connaissait personne et cherchait à rencontrer des gens, alors, stratégiquement, il s'assit en plein milieu de la classe.

Le hasard plaça Céline à côté de Nicolas. Nicolas regardait autour de lui, en attendant un professeur qui était en retard et en se demandant s'il était bien au bon endroit, puisque l'horaire qu'il avait reçu s'adressait à des français qui y comprenaient quelque chose, et Nicolas n'y comprenait pas grand chose. Après quelques minutes, Nicolas s'adressa à Céline :

- C'est bien le groupe un ici?
- Oui absoluement.

Nicolas était soulagé; il était au bon endroit et il avait noué une sorte de premier contact avec une étudiante française. Mais son soulagement ne dura qu'un instant, car son accent avait trahi ses origines et les étudiants autour commencèrent à être intrigués.

- T'es canadien?
- Oui, je suis du Québec.
- Moi c'est Céline.

Un français lança :
- Ouais elle c'est Céline, comme Céline Dion tu sais?
- ...
- Moi c'est Florent.
- Salut Florent.

Et un autre arriva :
- Et Florent, c'est qui? Il est du Québec?
- Oui, c'est Nicolas du Québec.
- Ah bon.

Et ainsi, petit à petit, Nicolas commença à connaître les étudiants du groupe un.

dimanche 28 janvier 2007

De la vie au bloc F

Nicolas lisait tranquillement dans sa chambre, au troisième étage du très calme bloc F. Au milieu de l'après-midi, des bruits de pas vinrent déranger sa lecture. Enchanté par la présence d'une apparente activité humaine, Nicolas déposa son livre. Il se retourna et vit, par sa porte ouverte, une jeune fille qui entrait dans la chambre en face de la sienne. Nicolas se leva pour aller lui dire bonjour, en se disant qu'un peu d'humanité ferait du bien à l'ambiance de ce bloc de béton.

- Bonjour, tu vis ici?
- Oui.
- Moi c'est Nicolas. Je suis ton voisin d'en face. Je peux savoir comment tu t'appelles?

La jeune fille considéra Nicolas avec mépris et le laissa savoir.

- Pourquoi tu me demandes ça?

Alors Nicolas sut que la froideur du bloc F était telle qu'elle avait atteint le coeur de ses résidents.

Convention française

La langue qu'on apprend enfant, c'est la langue maternelle. La première langue étrangère qu'on apprend, c'est la langue première, et la deuxième langue étrangère, c'est la langue seconde. La langue seconde est donc la troisième langue connue et elle est généralement très peu maîtrisée.

samedi 27 janvier 2007

L’autre bout du monde

Et alors, assis au comptoir d’un Irish Pub, à savourer leurs premières bières lyonnaises, Martin et Nicolas pensent tout les deux, sans même se consulter, que ça y est, ils sont à l’autre bout du monde.

Et alors ils se mettent à parler, à se raconter leurs vies, jusque dans les détails qu’ils ne se seraient pas dit normalement, pas au Québec. Ils se parlent sans gêne, comme s’ils avaient toujours fait ça, parce que leurs passés, leurs souvenirs, ils sont à huit mille kilomètres de là. Loin, assez loin pour que tout cet avant semble sans importance, et surtout, terminé. Ils savent bien qu’un jour ils rentreront au pays, mais ils n’en sont pas là. Ils en sont à arriver, et à concevoir que les choses ont changées.

Au cours de la soirée, Martin racote à Nicolas sa douloureuse rupture avec son ex, datant de l’été passé. Il lui parle du choc que ça lui a fait, de la dévalorisation qu’il a senti, de son estime personnelle qui s'estretrouvé au plancher et des brosses qu’il avait prises pour oublier.

Nicolas prononce quelques mots sur Mikka, sur la conception de la vie qu’elle lui a fait voir et surtout sur celle qu’il a depuis qu’elle était partie.

Et puis, réfléchissant ce qu’ils venaient de se dire, Martin dit à Nicolas :
- Tsé men, au bout du compte, c’est juste une question de confiance.

Et alors, à cet instant, Nicolas commit une erreur. Il souhaita savoir comment avoir confiance en lui. Alors qu’il aurait dû tout simplement penser un peu moins et croire un peu plus.

Bière

C'était son premier samedi soir à Lyon, et Nicolas n'en pouvait plus de l'épouvantable calme du bloc F. Il descendit d'un étage pour se rendre à la chambre de Martin.

Nicolas fut soulagé de découvrir, dans un coin de ce bâtiment mort, une vraie chambre d'étudiant à l'américaine. La porte ouverte de sa chambre , Martin, en coat de jeans, mangeait des fèves vertes à même la canne en écoutant une toune de punk rock qui résonnait dans tout le couloir. Yes baby.

- Yo Nic. Qu'essé qu'on fait à soir?
- Parle-moi de ça! On va en ville, dehors, n'importe où mais on sort du bloc F.
- Fuck yeah men.

Les deux québécois ont pris le tramway jusqu'au vieux Lyon. Ils ont marché pendant plus d'une heure, à chercher une rue dont l'ambiance aurait pu faire penser à la rue St-Denis de Montréal. Après quelques kilomètres de restaurants high-class, de restaurants touristiques puis de restaurants fast-foods, ils ont trouvé entre deux restaurants bourgeois un pub à l'irlandaise. Ils se sont assis au comptoir et ont commandé chacun une bière, première bière lyonnaise, bien méritée.

vendredi 26 janvier 2007

Hot Dogs

Recette de hot dogs en résidence française

Ingrédients
2 saucisses Strasbourg (les moins chers possibles)
½ pain baguette
Moutarde de dijon
Ketchup heinz

Matériel
1 casserole
1 couteau à beurre
1 assiette

Préparation
- Faire bouillir de l'eau dans la casserole
- Pendant que l'eau chauffe, diviser le demi pain baguette en 2 (ce qui devrait donner des quarts de pains baguettes)
- Lorsque l'eau bout, y mettre les saucisses
- A l'aide du couteau à beurre, tailler un trou pour les saucisses dans chacun des quarts de pain baguette*
- Ajouter à l'intérieur des pains de la moutarde de dijon et du ketchup (vous pouvez vous servir du couteau à beurre)
- Sortir les saucisses chaudes de l'eau et les mettre dans les pains
- Placer les hots dogs en résidence française dans l'assiette, servir avec salade et vin


* Gosser un trou dans un pain baguette avec un couteau à beurre est une opération qui peut s'avérer longue et/ou complexe et qui peut produire beaucoup de miettes. Si la patience qui vous reste n'est pas suffisante, vous pouvez vous exclamez de jurons français et/ou des sacres québécois.

mercredi 24 janvier 2007

Jussieu, Bloc F

Après quelques au-revoir adressés à ses compagnons de l'OFQJ, deux heures de trains, une demie-heure de tramway et une heure de paperasse, Nicolas aménagea au troisième étage du bloc F des résidence Jussieu.

Si seulement il avait hébergé un minimum de résidents, le bloc F aurait pu avoir la réputation d'être ennuyant, mais il était tellement vide qu'il n'avait même pas de réputation. L'étage la plus peuplée du bloc avait une chambre sur quatre de louée. Les résidents du bloc étaient des immigrants pauvres qui, contents d'avoir accès à des études supérieures, n'osaient pas risquer une conversation avec un étranger, de peur de tout perdre. C'était aussi le bloc où l'université plaçait les québécois en échange.

En aménageant, Martin et Nicolas se doutaient bien qu'il y avait quelque chose de pas très net avec ce bloc. Toutes les portes étaient fermées, il n'y avait personne dans les couloirs, et quand on ne faisait pas de bruit soi-même on entendait un long silence imperturbable.

Martin et Nicolas, qui n'avaient connu que des résidences à l'américaine, c'est-à-dire bruyantes, sales et fourmillantes, n'y comprenaient rien. Mais ils étaient arrivées à l'heure des classes, alors ils pensèrent que le calme était temporaire. Mais quand, à vingt heures, ils se firent à manger seuls dans la cuisine dite collective, ils comprirent, et Nicolas sut, qu'ils venaient d'aménager au beau milieu d'un désert.

Convention française

Le rez de chaussée, c'est l'étage 0. Il faut donc monter d'un étage pour se rendre au premier.

mardi 23 janvier 2007

Martin

Montréalais bilingue joyeux, Martin ne vivait que pour la musique. Sachant qu'il est difficile de vivre par la musique, il avait décidé de vivre par l'informatique. Ses parents étaient des anglophones du West Island ouverts sur la francophonie, alors Martin avait fait son primaire et son secondaire en français. Son adolescence avait été celle du trippeux de musique typique ; trips d'alcools, de drogues et jam sessions. Avec l'arrivée de sa vie adulte, il s'était calmé. Il était devenu un musicien raisonnable et un étudiant sérieux. Mais il avait gardé son sourire d'adolescent, sympatique et sincère, qui témoignait de toute la force de son caractère.

Martin, premier de classe des techniques informatiques de collège Dawson, était le cobaye du premier échange étudiant entre une université francophone Lyonnaise et un collège anglophone Montréalais. Son école l'avait approché pour lui proposer l'expérience et lui, sans trop réfléchir, avait accepté.

C'est durant la visite guidée de l'OFQJ, dans une gare parisienne que Martin et Nicolas découvrirent qu'ils allaient en échange dans la même ville, à la même université. Dès ce moment, Nicolas sut qu'il avait trouvé un allié.

lundi 22 janvier 2007

Débarquement

Dans un autobus de l'OFQJ, ce matin-là, une dizaines d'inconnus se sont rencontrés. Ils ne savaient presque rien les uns sur les autres mais déjà naissait entre eux une solidarité bien particulière. Ces jeunes étaient tous des Québécois qui partaient vivre pour quelques mois en terre française, et, même s'ils ne se connaissaient pas encore, ils partagaient les même peurs, les même excitations et le même décalage horaire. Et cette solidarité, cette ambiance, elle était tangible, à l'intérieur de l'autobus qui les conduisait à Paris.

Après plus d'une heure de traffic Parisien, les jeunes sont arrivés à leur auberge, à temps pour le petit déjeuner. Ils ont mangé en se fesant à l'idée qu'ils devraient passer encore une dizaine d'heures éveillés, même si pour leurs corps il était trois heures du matin.

L'après-midi qui suivit, les jeunes ont fait une visite guidée marchée de Paris. Ceux qui n'étaient pas déjà partis vers leurs destinations respectives et qui avaient encore un peu de temps à passer à Paris apprirent à se connaître. Nicolas, le grand cynique enrhumé. Caroline, la jolie étudiante en droit. Martin, l'anglophone de Dawson College. Jade, la chic demoiselle en communication. Francis, le sportif de Sherbrooke. Eve, accompagnée de son père Bernard, le businessman aussi bien installé à Paris qu'à Montréal. Bélina, la petite qui rit toujours.

Après deux jours de nervosité, d'avion et de marche, les jeunes Québécois dormirent une très bonne première nuit en France.

lundi 15 janvier 2007

Nicolas

Nicolas avait grandi dans une famille de croyants. La religion ne l'ayant pas convaincu, il s'était forgé une identité dans la science. Plutôt qu'un croyant, Nicolas était un savant. Il savait, il aimait savoir et il aimait apprendre. Ces traits lui conféraient une peronnalité d'intellectuel, ce qu'il appréciait, même s'il aurait parfois préféré qu'il en fût autrement. C'est parce que Nicolas était plus proche du savoir que de la croyance, et donc, il ne croyait pas en lui. Cette faiblesse était la cause de son insuccès avec les gens, et, avec les femmes en particulier. Ça, il le savait.

Sa vie n'aurait jamais croisé celle de Mikka qu'il aurait été un simple savant curieux et heureux. Mais le destin lui avait réservé autre chose. En effet, Nicolas avec eu une brève et triste histoire avec cette Mikka, histoire dont il ne s'était jamais remis. Depuis, il voyait son univers avec cynisme et, dans ses moments les plus joyeux, s'amusait à le dépeindre avec un humour noir qui lui était propre. D'ailleurs, il disait à qui voulait bien l'écouter que sa noirceur et son cynisme étaient les plus beaux cadeaux que cette vie lui eût accordés. Mais tout n'était pas aussi sombre qu'il le disait. Il lui restait encore des moments heureux. C'était dû au dernier morceaux confortable de son univers : son petit monde, ses amis.

Et c'était justement à propos de ce morceau d'univers que Nicolas s'était assis-là, seul au comptoir d'un petit bar presque vide, ce soir-là, en tête à tête avec une Imperial Stout. Il était déprimé. Son petit monde s'effondrait.

Il était apparu que sa plus proche amie et son plus proche ami s'étaient découverts un amour l'un pour l'autre , et que, au centre de leur immense bonheur naissant, Nicolas n'avait plus beaucoup à partager avec eux.

Seul, et constatant que sa nocturne complainte silencieuse ne l'aidait pas beaucoup, Nicolas se dit qu'il avait besoin de changer de monde. Un nouveau rythme de vie, une nouvelle école, de nouvelles personnes. De quoi grandir un peu.

Nicolas crut, pour un instant, que c'était ce qu'il lui fallait. Il cala le reste de son verre de stout, maudit son petit monde et sortit. Les choses allaient changer. Ça, il le savait.