vendredi 9 février 2007

Aliénation linguistique

Agnieszka était la coéquipière idéal. Elle était sérieuse, elle savait s'amuser en travaillant et elle était première de classe.

En quelques minutes, Nicolas et Agnieszka s'adaptèrent à leurs rythmes de travail mutuels. Ils formaient un binôme très efficaces, à un détail près : Agnieszka n'était pas tout à fait à l'aise en français. En se concentrant, elle arrivait bien à écouter et parler. Mais même avec toute sa concentration, elle n'arrivait pas à saisir ce que Nicolas disait. Donc, pour se faire comprendre, Nicolas devait absoluement parler avec un accent français.

Durant toute la journée , Nicolas dut prononcer clairement ses syllabes et dire ses "a" en "A", et non en "â". Il s'y habitua assez vite, et en quelques heures il se retrouva apte à parler sans trop d'efforts le français des Français.

Et ce soir-là, en rentrant chez lui, Nicolas reconnu une sensation étrange. Il pensait avec un accent français. C'était comme quand on passe un certain temps à fonctionner dans une langue, on adapte notre pensée pour cette langue.

Nicolas essayait bien de retrouver, dans son discours intérieur, ses tournures de phrases québécoises, mais elles ne venaient pas naturellement. Il devait se concentrer pour penser comme il l'avait toujours fait, et dès que ses idées divaguaient, sa pensée québécoise.

- Putain, je pense en français de France.

Nicolas commençait à trouver la situation de plus en plus intolérable. Il avait l'impression qu'une voix autre que la sienne l'habitait maintenant, et que cet intrus manipulait ses réflexion. Il se dit que ça passerait. Mais ça empira.

Vers vingt heures, il n'en pouvait plus. Il s'assit dans son lit et décida d'écouter La Grande Messe, des Cowboys Fringants. Nicolas n'était pas un grand fan du groupe, mais dans ces circonstances, chacune des chansons de l'album lui semblait être un chef d'oeuvre musicale. Les paroles des chansons lui faisaient l'effet d'une bonne douche.

Une heure plus tard, après le dernier morceau, Nicolas était soulagé. Il se sentait propre. L'intrus était parti.

- Osti yes, chu guéri.

4 commentaires:

Myriam a dit…

Tu sais, un moment donné ça ne passera plus et les gens penseront que tu es d'origine française même en terre québécoise.

Ce sont les cicatrices que laissent les autres cultures sur nous. Elles sont profondes, indélébiles. Tu ne perds rien de toi, au contraire, on te greffe une nouvelle identité.

Un genre de trouble de personnalité. Et crois moi, même des tas de disques n'y feront rien.

Unknown a dit…

Tcharcowl Nic,
Tcharcowl !!

Nicolas a dit…

Oh oui! Tcharcowl jusqu'à la fin!

Anonyme a dit…

merci pour intiresny Dieu